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e suis Timothy Grey et je suis mort. BONJOUR TIMOTHY
31 ans. ☩ 18 avril 1983. ☩ Oxford. ☩ Veuf. ☩ Docteur en Art - Professeur à l'Université d'Oxford. ☩ Hache de Cheshire & Parapluie.
Méticuleux. ☩ Maniaque. ☩ Intelligent. ☩ Obsédé. ☩ Fantasque. ☩ Plein de contradiction. ☩ Sérieux. ☩ Légère agressivité quand on le pousse à bout. ☩ Ne prend plus rien au sérieux. ☩ Loyal.
Ma mort ? Y’a-t-il vraiment quelques choses à raconter à des histoires de corde et de noeud ? Selon Mr. Pédia le nœud de pendu est un type de nœud facilitant l'exécution par pendaison et qui aurait été mis au point par Jack Knight, bourreau du XVII siècle à Londres. C'est un nœud coulant, même si le frottement fait qu'il est difficile de serrer la boucle en tirant sur la corde.
Le nombre de tours est important puisqu'il permet lors de la pendaison (selon la technique du long drop) d'atteindre la tempe du condamné en le frappant violemment à près de 5500 newtons (selon la chute versus le poids de celui-ci) le rendant inconscient juste avant que les vertèbres cervicales du cou ne se rompent.
Charmant n’est-il-pas ? Alors, maintenant, comment notre bon Mr. Grey a réussi à placer sa tête entre ces délicieux morceaux de fils tordus tressés ensemble dans une magnifique danse lugubre ? Enfin. Dans notre cas c’est lugubre. L’obsession. C’est ça qui a mit notre pauvre Mr. Grey dans cet état. Alors, un jour, il attrapa une corde dans un placard à balais de sa belle maison. Habile de ses mains, il tortura la corde jusqu’à ce que celle-ci forme un magnifique noeud de pendu et là, délicatement, tranquillement, comme si tout sentiment n’était que pur fantôme, il passa sa tête dans le noeud.
Il était là, debout, sur une chaise Louis XIV qu’il avait acheté chez un antiquaire français des années auparavant, fixant du regard les nombreux tableaux qui couvraient tous les murs de sa belle maison. Il regarda les tableaux un par un, plongeant son regard dans celui des êtres figés pour l’éternité sur la toile. La peinture comme geôlière et le cadre comme cellule.
Tournant les yeux de droite à gauche, notre bon Mr. Grey sembla croire un instant voir un geste de main provenir d’une des oeuvres, comme un au revoir, ou plutôt adieu. Il avait tant espéré ce moment. Il ne le voulait ni tragique, ni triste, ni même pitoyable, il voulait un moment à lui, disparaitre dans l’inconnu. Tomber dans le vide. S’engouffrer dans le néant. Ohh .. Un calme devait régner là-bas. Il ne verrait plus leurs visages, n’entendrait leurs cris chaque nuit …
Oh quelle délicieuse projection. D’un coup de pied, notre bon Mr. Grey envoya valser la vieil chaise qui s’éclata contre une toile. La corde était tendue, l’homme mort. Quelle douce vision de voir cet homme pendu au milieu d’une pièce vide, des centaines de tableaux le fixant, riant d’une dernière blague d’un homme qui avait cessé enfin d’en être un.