Déjà dis que je suis nul en orientation ?
J
e ne trainais que très peu dans des endroits aussi malfamés que le Château de la Reine de Coeur. J’avais ouïe, depuis mon arrivée au pays des merveilles, que la fameuse reine n’était pas vraiment quelqu’un de très sociable. On raconte partout qu’elle coupait des têtes à tout va et que son passe-temps favori était de martyriser tous les habitants de pays des merveilles. Et après on se demande pourquoi elle a disparu … Bref. Je n’étais pas dans d’excellente disposition lorsque je m’approcha de son territoire. Oh ce n’était pas par maladresse ou par manque de chance. J’avais bien choisi de venir en ce lieu si particulier. Pourquoi ? Bonne question. Pour une raison qui dépasse ma connaissance, je ne pouvais dire ce qui m’amenait en ce lieu, ce que je savais c’est qu’il fallait que j’y sois. Et ce fut le cas. Un gentil pion de l’échiquier ensanglanté m’indiqua le chemin, après tout c’est là d’où il venait. Il me tint la barbe pendant de longues minutes à me raconter les diverses péripéties qui l’avait emmené si loin de son territoire. J’aimais plutôt les pions, pour les informations qu’ils donnaient, pour la compagnie qu’ils apportaient mais ils étaient parfois - si ce n’est tous le temps - trop bavard pour moi.
Suivre son destin. C’était un but bien honorable pour quelqu’un comme moi qui n’avait pour autre obsession que celle de retrouver - par n’importe quel moyen - ceux qui m’ont été enlevés. J’avança donc vers la zone que l’on m’indiqua, redoutant quelque peu les aventures qui m’y attendais. Une fois sur place, je constata le mauvais gouts de la reine en matière de décoration. Tout y était rouge, brut, imposant. Aucune place pour le raffinement, la délicatesse et la précision. Tout était rouge, ce n’était pas forcément ma couleur préféré, au contraire. Au milieu d’une plaine immense se dressait un château, son château, qui partait quelque peu en ruines et ce depuis, j’imagine, la disparition de son occupante. D’ailleurs ces disparitions étaient bien étranges, la Chenille, le Chapelier, le Lapin Blanc et la Reine rouge … Quant à au Chat de Cheshire, on ne pouvait jamais vraiment savoir si il avait disparu ou si il préférait rester dans l’ombre. Il sera un jour plus que nécessaire que j’enquête sur ces disparitions. Mais ce jour là n’était pas le jour.
Petit à petit, je pénétrais dans l’entre de la découpeuse de tête. Je n’étais pas vraiment serein. Après tout le bourreau pouvait toujours se trouver dans le coin prêt à m’arracher ma caboche dans un moment d’inattention. Et, mal gré le faite que je n’accorde que peu d’importance à son apparence, je tiens énormément à la position géographique de ma tête par rapport au reste de mon corps. J’aime bien qu’elle soit posée sur mon cou et non pas par terre sur l’herbe … Question de préférence. Au cas ou, je gardais ma hache fermement dans ma main, le côté coupant adossé à mon épaule pour plus de confort lorsque je marchais. Je montrais ainsi aux êtres environnant que j’étais conscient du danger et que je me tenais prêt à en découdre avec le premier me cherchant des noises. Joyeux le pays des merveilles.
J’approchais lentement, mais surement, du parc du château - visiblement plus entretenu depuis des lustres. Les hautes herbes avaient pris le contrôle de l’endroit formant, entre les différents buissons, un parcours dense, difficile à emprunter. Pour plus de sécurité, je décida de quand même le prendre, en me disant que si il était trop dur à traverser, je serais seulement seul à m’y risquer. C’était une hypothèse comme une autre. Encore une fois je ne savais pas vraiment où j’allais, je ne faisais que suivre mon intuition là où elle me menait. Cette dernière d’ailleurs fut de bon conseil car j’arriva très vite derrière le château sans encombre, protégé par les hautes herbes. Derrière, le château semblait encore plus mal en point. Une grande partie s’était affaissée sur elle même, donnant ainsi à l’édifice l’aspect d’une bâtisse abandonnée. De loin, j’aperçus tout de même quelques gardes cartes faire une patrouille. Il semblerait que les anciens gardiens des lieux n’ont pas désertés leurs postes.
Ils étaient assez loin de moi, je me permis donc de sortir de ma cachette de fortune sans trop de frayeur. C’est là que je fis attention à où je me trouvais. Devant moi s’étendait l’énorme, le touffu, l’incompréhensible labyrinthe rouge. Une horreur. Juste en face de moi, une des entrées semblait m’attirer, comme si elle me lançait un défi. Les labyrinthes étaient loin d’être mon fort (Nelson) et pourtant une envie profonde d’y faire un tour s’empara de moi.
Non. C’était plutôt une mauvaise idée. Ma conscience se réveilla pour me donner quelques conseils avisés. Je décida de changer de destination et je me retourna vers le château. A quelques mètres de moi le temps avait crée une ouverture qui pourrait me permettre de rentrer dans la demeure de la fameuse reine. Essayant d’être le plus discret possible, j’avança vers la fameuse ouverture. Les cartes ne m’avaient pas remarqué. Quelques secondes après, je me retrouvais dans une pièce de petite taille avec, accrochés au mur, nombre d’ustensile de cuisine. Par terre, des restes de fruits, de viandes, de poissons. Je devais être dans le garde-manger de la reine. Desert maintenant.
Desert ? Pas tant que ça en fait. Jetant un regard vers la porte de la pièce, je tomba sur l’être que je ne voulais surtout pas voir. Celui que je redoutais le plus. Dès mon arrivée dans cette zone j’avais pensé à lui. En face de moi, le bourreau. La pire des cartes du jeu de la reine.
Dès qu’il m’aperçut, il arma sa grande hache et commença une folle course que je m’empressa de suivre. Je n’avais jamais couru aussi vite de ma vie, cherchant en même temps un endroit pour me réfugier. Si il arrivait à me rattraper c’était ma fin, il allait me couper la tête.
Jetant un regard autours de moi, mes yeux (contrairement à mes jambes) s’arrêtèrent sur le labyrinthe rouge, c’était ma seule solution viable. A la même allures, et le bourreau toujours à mes trousses, je pénétra dans ce qui allait être mon pire cauchemars. Je courrais le plus rapidement possible alors que lui pénétrait également dans le labyrinthe. Coup de chance, les haies commencèrent à se rejoindre, de façon à bloquer le passage à la carte.
Je n’arrêtais pas pour autant de courir, je pris à gauche, à droite, puis encore à gauche. Après une bonne distance parcourue je m’autorisa à jeter un oeil derrière moi, histoire de voir si je n’étais plus suivi. Mauvaise idée. A peine avais-je tourné la tête que je me cogna contre quelques choses de plein fouet. Ou plutôt contre quelqu’un …