i dolorès laisse facilement entendre à ceux qui la questionnent qu'elle est une enfant des rues, la vérité est ailleurs : issue d'une famille française aisée, elle n'a jamais manqué de rien. ☩ adepte de surnoms et de faux semblants, il lui arrive de se faire appeler léo, barbara, jane et même, melody nelson. ☩ bien qu'aimant jouer l'ingénue, dolorès reste une fille relativement cultivée. cependant loin d'être taillée pour les études, elle a quitté le lycée à la fin de la terminale, sans obtenir son bac. ☩ il est fortement déconseillé de la laisser près d'un piano : qu'il soit accordé ou non, elle sera capable en quelques notes de vous dégoûter de l'instrument à vie tant elle est mauvaise. ☩ elle aime beaucoup danser - mais est très rarement en rythme. ☩ dolorès a l'intérieur du poignet gauche orné d'un coquelicot rouge un peu fané. ☩ de son vivant, elle souffrait de très nombreux problèmes d'addiction qui laissèrent, au fur et à mesure, des traces indélébiles dans sa façon d'être, de concevoir la vie et ses relations. ☩ bien qu'ayant un faible pour les hommes plus âgés qu'elle, l'intrépide aime s'échouer dans les bras de filles à la peau douce et de jeunes garçons aux rêves flous. en continuelle recherche d'attention et de tendresse, elle est prête à beaucoup pour attirer les regards sur elle, pour plaire. malgré les apparences, elle manque de confiance en elle et a besoin des yeux des autres sur sa peau à elle pour se sentir vraiment belle, vraiment vivante. ☩ atteinte d'une peur panique du noir, elle n'a jamais pu s'endormir sans les volets ouverts, une veilleuse ou une bougie, malgré le danger que cette dernière pouvait représenter. ☩ elle a un talent notable pour le dessin et la peinture. sa toile préférée reste son propre corps, qu'elle recouvre souvent de gribouillis et d'aquarelle. elle prend néanmoins beaucoup de plaisir à peindre sur l'épiderme de ceux qu'elle aime.


ersonne ne connait mademoiselle Nelson. C'est même pas un nom, ça, Dolorès Nelson. On dirait le pseudo d'une prostituée, un truc tout juste bon à exciter les vieux un peu cultivés qui bandent une fois sur dix - et encore. Pour connaître mademoiselle Nelson, il aurait fallu lire Nabokov et écouter Gainsbourg. Il aurait fallu la suivre sur les boulevards fous, inspirer l'air qu'elle expirait, s'échouer sur sa peau pour toujours, vivre dans ses yeux et mourir entre ses peurs. Fumer ses mégots. Ravaler ses sanglots. Éclairer ses nuits, allumer ses heures, jour après jour. Personne ne connait mademoiselle Nelson. Son âme est trop vaste pour être contenue dans un dossier - toute âme est trop vaste pour être contenue dans un dossier, même la plus sèche. Et même en découvrant qui a tué Dolorès, l'affaire ne sera pas réglée. On n'arrange rien en mettant un nom, un visage sur un crime. On ne fait revenir personne. Il faudrait connaître l'histoire, chaque détails. Il faudrait superposer les esquisses, recouper les contes, sculpter à nouveau le corps de mademoiselle Nelson de la tête au pied, du cœur au corps, de l'âme au crâne. Mais personne mieux qu'elle - personne mieux que moi - ne connait ses amours, ses déboires et ses étoiles. Vous voulez que je vous dise ? Il avait trente-sept ans. Il était mon professeur d'anglais en première. J'ai passé l'année à me trémousser sous son nez pour lui plaire. En cachette, il me transmettait des listes de livres - le premier de tous, vous le devinez, était Lolita - que je dévorais d'un bout à l'autre. Au premier jour des vacances scolaires, il m'a invitée dans sa nuit. Pour la première fois, je pouvais être sienne. Il m'aimait follement. Je le désirais terriblement. Il a quitté Paris pour Londres en août pour sauver son couple. Je l'ai rejoint plus tard. Il a quitté sa femme pour mon cul. J'ai continué à danser pour d'autres. C'est ça qu'il n'aimait pas. C'est ça qu'il ne pouvait supporter. Ce soir là, j'étais défoncée. Je sais même plus ce que j'avais pris. Lui, il avait bu. J'avais la trace des doigts d'un autre sur les cuisses. Il était fou. J'étais déjà un peu morte. Mais vous ne le saurez pas. Mais vous ne le saurez jamais. Parce que, bang bang, my baby shot me down.