conte-nous ta mort ☩

que penses-tu du pays des merveilles actuel ? ☩

si ça n'avait été que la solitude, que les bêtes sauvages, que les paysages glauques, que la perspective d'être mort, coincé là, dans cet univers dérouté et déroutant, peut-être qu'alastair aurait pu apprécier l'endroit. peut-être.

mais wonderland, c'est tout ça à la fois. pire, même. c'est se battre pour survivre, survivre pour se battre. c'est être mort et manquer de mort une nouvelle fois à chaque seconde. c'est ne jamais savoir ce qui va se passer, où cela va se passer, si tel endroit sera encore là le jour suivant, ou pas, si telle créature sera bien lunée, ou pas, vous laissera la "vie", ou pas.

wonderland, c'est pas le pays des merveilles, non, bien sûr que non, c'est le paradis dans l'enfer mais surtout l'enfer dans le paradis. alastair l'aime pas, ce pays-là, il le hait, il le vomit. mais il tente d'y vivre, ou tout du moins, de ne pas y mourir.

peut-être que ce n'est qu'un rêve tordu, rien de plus que le fruit de son imagination, peut-être qu'un jour elle viendra le réveiller. peut-être.

et sinon, tu dois bien avoir un endroit préféré en ce lieu, non ? ☩

un endroit préféré ? certainement pas. existe-t-il seulement quelqu'un, ne serait-ce qu'une personne, qui se complaît vraiment, quelque part ici ? si oui, alastair n'en fait pas partie.

mais s'il n'a pas de lieu fétiche pour s'organiser un petit pique-nique improvisé, il doit bien avouer avoir un petit coin qu'il déteste moins que les autres, et qui n'est autre que la route des pleureuses. sans pour autant que cela lui soit agréable, il se surprend souvent à la parcourir, lorsqu'il a besoin d'un peu de calme, ou de se changer les idées après avoir couru un demi-marathon pour échapper à une bestiole assoiffée de son sang. il y passe des heures, à descendre puis remonter le cours d'eau, suivant du regard les koïs origamis, ne pouvant s'empêcher de se demander par quel étrange phénomène ces petits poissons de papier ne se détrempent pas en barbotant dans les eaux claires du ruisseau.

il y a aussi cette statue, la cinquième en partant du bas du chemin, qui n'a rien de semblable mais pourtant quelque chose de commun avec elle. elle, celle qu'il a laissé là-haut, en-dehors du terrier. l'expression de cette pleureuse de pierre lui rappelle tellement sa superbe, sa magnifique, sa moitié, et il se demande si elle aussi, elle pleure pour lui.

☩ il est issu d'un milieu très, très aisé. bourgeois, même. cadet d'une famille de deux enfants, deux fils, qui se noie dans ses billets et ses comptes en banque. chez eux, la richesse, ça se transmet de génération en génération, et la fortune passe de mains en mains depuis plus de cinq siècles. pourtant, même si les moyens tombent du ciel, chez les van der belt, on inculque dès le plus jeune âge l'intérêt du travail, et les attentes sont grandes pour les plus jeunes membres de la famille. d'ailleurs, toute cette brochette d'illustres ancêtres qui guettent sa réussite, ça l'effraie un peu, peut-être même que ça le braque, le pauvre alastair. ☩ pourtant pas matérialiste de son vivant, alastair regrette beaucoup la belle voiture offerte par ses parents à l'occasion de vingtième anniversaire, un véritable petit bijou dont il rêvait depuis qu'il était tout gamin, et pour cause; il s'agissait d'une facel-vega facel III produite milieu des années soixante, et à laquelle il tenait comme à la prunelle de ses yeux. et maintenant qu'il est mort, il n'a pas peur de le dire; elle lui manque sans doute autant que sa famille, si pas plus. ☩ en parlant de famille, même, en grande partie dû à son caractère conciliant, alastair s'était toujours bien entendu avec ses parents, il n'en a jamais été de même avec son frère nathaniel, de trois ans son aîné. premier héritier à la fortune et à l'entreprise familiale, ce dernier a subi bien plus de pressions de la part de sa famille que son petit frère, ce dont il a toujours été jaloux. il a toujours eu l'impression que son cadet était privilégié, et il n'avait sans doute pas tout à fait tort. par exemple, nathaniel fut forcé par ses parents à suivre des études de droits, pour reprendre le bureau d'avocats de son père, alors qu'alastair, lui, eut le choix de suivre le cursus qui lui plaisait le plus. seulement, ce que son frère semble oublier, c'est que toute sa vie durant, alastair a dû vivre dans l'ombre de son brillant frangin, excellent élève, fils modèle. bref, l'un comme l'autre ont souffert de cette situation, et, incapables de se parler sans manquer de se taper dessus, ils n'ont jamais pu mettre les choses à plat et tenter de s'entendre. ☩ comme pour sa voiture, alastair raffole de vieilleries et d'objets vintage. quelle ne fut pas la surprise de son professeur de latin lorsqu'en fin de première année d'université, le jeune van der belt rendit un dossier de cent pages sur la république romaine tapé intégralement... à la machine à écrire. et sans aucune rature, s'il vous plaît. perfectionniste, le petit alastair. borné, aussi. ☩ il aime le thé. un peu, beaucoup, passionnément, à la folie. il était capable d'en boire des litres par jour. mais attention, pas n'importe lesquels, et pas n'importe comment, il avait d'ailleurs un rituel bien précis pour le préparer, et pour lui, il était très important, si pas sacré, de le suivre à la lettre. tout d'abord, il fallait verser l'eau bouillante dans la théière, dans laquelle il avait déjà mis les feuilles de thé, entières, de préférence. ensuite, il fallait rajouter un nuage de lait, par dessus, et laisser infuser très peu de temps, une minute ou deux maximum, avant de mélanger, et de servir. seulement, depuis qu'il est à wonderland, il n'est jamais miraculeusement tombé sur un arbre à thé entre deux attaques de vissellules, et ça commence sérieusement à lui manquer. ☩ il est quelqu'un de très supersticieux. à chaque fois qu'il avait besoin de chance, il ne pouvait s'empêcher de se munir de sa floppée de gadgets porte-bonheur. il en possédait une bonne dizaine, du banal trèfle à quatre feuilles à une médaille du mérite militaire, reçue par son grand-père, ayant combattu lors de la deuxième guerre mondiale, son talisman préféré, qu'il avait toujours dans ses poches. il l'a perdu quelques semaines après son arrivée à wonderland, et si on ne lui avait pas appris qu'il est malvenu pour un garçon de pleurer, il aurait probablement déjà versé des torrents de larmes. ☩ il a été élevé dans une famille chrétienne anglicane, très croyante et pratiquante. jusqu'à sa mort, il avait été persuadé que dieu existait, et c'était indéniable. il priait, allait à la messe, observait le jeûne de pâque, bref, agissait en parfait croyant. seulement, depuis sa mort, il commence à se questionner.si dieu existait vraiment, il ne l'aurait sans doute pas laissé atterrir ici. mais il lui arrive toujours encore de prier. par habitude, sans doute. ☩ il n'a connu qu'une histoire d'amour, qui a duré trois ans et jusqu'à sa mort, et n'était pas au goût de tout le monde dans la famille van der belt. tout d'abord parce que la belle d'alastair n'était autre que la fille de leur bonne de maison, ensuite car elle était de quinze ans son aînée. et si le jeune homme, lui, n'a jamais douté de son amour pour elle, il n'en est sans doute pas de même de son côté. c'est même certain. elle avait en effet pour but de se marier avec lui pour accéder à sa fortune et la dilapider, pour mettre la famille sur la paille et venger sa mère pour les quarante années qu'elle avait passées à servir les van der belt, avant d'être virée, la veille de ses soixante ans, sans aucune arrière pensée. ces égoïstes imbus d'eux-mêmes, égocentriques et présomptueux, qui avaient privé sa mère du seul reveu qui lui permettait de faire vivre sa famille, elle les haïssait de tout son coeur, et était prête à tout pour assouvir sa soif de vengeance. même si cela devait passer par le destruction du petit coeur sensible d'un jeune garçon naïf qui vit son premier amour... ☩ il a toujours rêvé de devenir écrivain. petit, il écrivait du matin au soir, et racontait en dizaines de tomes la vie des objets qu'il trouvait un peu partout chez lui. table, théière, lampe, parapluie... peu importait, et son imagination débordante inventait toujours de nouvelles histoires à relater. il en avait rempli des cahiers entiers, dans le plus grand secret, jusqu'au jour où son père était tombé sur l'un deux, et l'avait envoyé directement chez le psychologue. ☩

l est né trop tôt, Alastair, bien trop tôt. Ils ont bien cru qu’il s’en sortirait pas, le petit, et pour cause, ça relève toujours un peu du miracle, un nourrisson qui survit, après même pas sept mois passés dans le ventre de sa mère. Et pourtant. Il aurait presque pu tenir dans une main, comme il était, tout petit, à peine plus lourd qu’un paquet de sucre. Il est resté quatre mois en couveuse, comme un poussin, et personne ne donnait très cher de sa peau. « Il fera pas long feu », disait souvent l’infirmière à sa collègue en blouse blanche, qui lui répondait que dans ce genre de cas, avoir un portefeuille débordant de grosses coupures ne pouvait strictement rien.

Mais il est sorti de l’hôpital, Alastair. Sorti d’affaire, mais pas nécessairement à l’abri de séquelles. Sur le moment, ça ne préoccupait personne, pas même sa mère, d’habitude si soucieuse ; sans doute avait-elle déjà usé de toutes ses angoisses lorsqu’elle se demandait si son deuxième fils sortirait un jour de sa couveuse, et si son lit de naissance ne deviendrait pas également son lit de mort. Ce jour-là, les séquelles, elle s’en fichait ; elle ramenait son bébé à la maison.

Alastair et son grand-frère ont été élevés dans l’abondance et l’exubérance. Rien n’était trop beau, trop cher, trop quoi que ce soit. Tout était accessible, maintenant, facilement. Papa et Maman vivaient de leur patrimoine, certes, mais également du fruit du travail qu’ils fournissaient chaque jour de leur vie. Il était à la tête d’un cabinet d’avocat, elle était médecin, cardiologue. Il cultivait chez eux la valeur du travail, elle leur enseignait l’importance de la politesse, de l’étiquette, des bonnes manières, tandis que les deux frangins suivaient à domicile des cours par correspondance.  « Vous n’êtes pas des enfants ordinaires », leur répétait-on encore et encore, « vous avez des responsabilités à tenir, des devoirs à remplir ». Ils étaient à l’écart du reste du monde, certes un peu seuls dans leur grand manoir, mais l’un comme l’autre ne connaissait quoi que ce soit d’autre, et ils étaient heureux. Deux petits garçons modèles, studieux, polis. Deux petits oiseaux rares dans une grande cage en or massif incrustée de pierres précieuses. C’était beau, c’était magnifique même, mais ce n’était pas la vie.

’était en entrant au Collège qu’Alastair s'était retrouvé confronté à la réalité, la vraie, celle dans laquelle des gens meurent dans la rue qui mènent à son établissement scolaire, parce qu’ils avaient froid, parce qu’ils avaient faim, parce qu’ils n’avaient rien. La réalité dans laquelle il n’était pas le meilleur partout, la réalité dans laquelle il était nul en chimie, en technologie, et surtout en sport. La réalité dans laquelle il était asthmatique et courir trente tours de terrain en quinze minutes pour ramener une bonne note s’apparentait à chaque fois plus à une course contre la mort qu’à une course contre la montre.

Il n’avait pas beaucoup d’amis, ne parlait pas énormément. Il n’aimait pas raconter sa vie, se vanter en brandissant son carnet de notes sous le nez de quiconque aurait eu la mauvaise idée de lui passer devant. Il est devenu plus distant, un peu moins heureux. Il ne se sentait plus à sa place, ce bel oiseau, arraché à sa jolie cage. Il ne s’est jamais vraiment adapté, à l’inverse de son frère qui lui, avait sur saisir sa chance et s’était directement adapté à ses nouvelles conditions de vie, loin du cocon de soie que leurs parents avaient confectionné avec la plus grande attention au cours de leurs premières années de vie. Quelque chose s’était rapidement fêlé entre les deux frères, et peu à peu, la fissure s’était agrandie, encore, encore, au fur et à mesure que les deux jeunes gens s’éloignaient. Lorsque le lien s’était brisé, ils n’avaient jamais su se reparler sans excéder l’autre. « La loi de la jungle », avait un jour dit l’aîné. « Seuls les plus forts survivent. Les autres s’effacent pour leur laisser de la place ». Alastair avait immédiatement compris à qui il faisait allusion. Seul problème ; le plus fort, ce n’était pas lui. Alors il s’était effacé.

l n’était pas malheureux, au contraire, il se complaisait presque dans cette situation. On ne lui demandait pas grand-chose, on évitait de lui confier de trop grandes responsabilités. On le laissait tranquille, simplement. Parfois, de fait, on le mettait un peu à l’écart, mais il n’en souffrait pas plus que ça. Il était juste la troisième roue de la charrette, toujours.

Mais c’est peut-être la raison pour laquelle, un jour, il ne l’a pas repoussé lorsqu’elle l’a embrassé. Il avait dix-neuf ans, elle en avait trente-quatre, mais qui s’en préoccupait, vraiment ? Il l’avait toujours admirée, toujours trouvée belle, gracieuse et élégante, même si elle portait parfois des jeans déchirés et des tenues qu’il avait appris au fil des années à qualifier de provocantes. Il avait toujours rêvé de faire ce qu’elle venait d’entreprendre, et sans doute qu’elle le savait. Sans doute savait-elle qu’elle pouvait en faire ce qu’elle voulait, du petit Van der Belt. Qu’il était naïf, un peu trop peut-être. Qu’il en tomberait fou amoureux. Que ça mettrait toute sa famille hors d’elle. Parce que ça avait toujours été son but.

Ils ne connaissaient rien à la vraie vie, ils ne savaient pas ce que c’était de se saigner pour survivre, ils ignoraient l’importance qu’avait le fait d’avoir un boulot pour ramener de quoi nourrir sa famille, ne serait-ce qu’une miche de pain. Ils vivaient la grande vie pendant que certains, juste à côté d’eux, oeuvraient continuellement pour leur bien-être, tout cela pour un salaire de misère. Sa mère avait travaillé quarante années durant au service des Van der Belt, avant d’être froidement congédiée, laissant toute une famille sans revenus suffisants pour subvenir à ses propres besoins. Et elle s’était promis de la venger, coûte que coûte.

C’était elle qui avait poussé Alastair à partir s’installer loin de Leeds. Par confort, tout d’abord, afin qu’il puisse suivre ses études à Cambridge, comme il l’avait toujours voulu, mais surtout pour pouvoir tenter peu à peu de l’extraire des mains de ses parents, qui avaient toujours une emprise non négligeable sur leur petit bébé. Un appartement à Cambridge, trop petit pour elle et lui, un deuxième, à Cambridge toujours, bien plus à leur taille, puis un troisième, juste pour elle, à Londres, voilà tout ce qu’elle avait réussi à tirer de sa relation avec le cadet Van der Belt. Une vie bien plus confortable que celle qu’elle avait toujours vécue, et un gamin au final pas si arrogant que ça, qui la vénérait et faisait d’elle une princesse, sa princesse. Sans pour autant dire qu’elle l’ait un jour vraiment aimé, peu à peu, elle apprenait à le connaître tel qu’il était vraiment et non pas tel que ses parents avaient tenté de le faire paraître. Peut-être aurait-elle-même fini par l’apprécier, s’ils n’avaient pas été séparés par cet incendie, cette nuit-là.

pseudo sur internet ☩ omega la patatée pour les intimes. prénom ☩ margaux, comme la reine, comme le vin, la classe, je sais. âge ☩ seize ans, pfouh que ça passe vite. comment t'es arrivé(e) ici ? ☩ j'fais partie des vieux de la vieille, wiwi. tu penses quoi de tout ça ? ☩ vous savez bien ce que j'en pense, arrêtez de demander   . le code ☩ tutafé un dernier mot ? ☩ muahahaha.